Vélo en ville : Toulon accélère sur la mobilité douce

Sur le port de Toulon, le va-et-vient des ferries partage de plus en plus l’affiche avec le bruissement discret des pneus de vélos. La mobilisation pour la « mobilité douce » n’est plus une fantaisie écolo des grandes métropoles mais une réalité concrète, qui redessine peu à peu le paysage urbain toulonnais. Avec l’essor du cycle, la ville tente de rattraper un certain retard — et de contenter une population en quête de solutions face à la congestion chronique et à la saturation de son réseau routier.

Mais le vélo à Toulon, c’est aussi une aventure, parfois une bataille : infrastructures encore timides, dénivelés redoutés, cohabitation incertaine avec les automobilistes. Pourtant, de la corniche de Tamaris aux avenues du centre, le changement est en marche. Coup de projecteur sur une transformation qui ne fait que commencer.

• Un tissu urbain historiquement pensé pour la voiture : Comme dans beaucoup de villes françaises moyennes, la voiture a longtemps dicté la cartographie locale. Ronds-points tentaculaires, avenues larges, parkings omniprésents, zones commerciales périphériques… L’ère du tout-automobile a modelé Toulon.
• Des contraintes topographiques : Si la rade évoque le rêve balnéaire plat, une simple balade sur la côte ou la traversée vers le Mont Faron rappellent la réalité des pentes — souvent citées comme frein au vélo. Ce n’est pourtant pas une fatalité, comme le montrent d’autres villes en relief (Grenoble, Nice…), qui progressent à grand pas grâce au VAE (vélo à assistance électrique).
• Un déficit d’aménagements : Jusqu’en 2020, Toulon proposait moins de 35 km de voies cyclables « utilisables et continues » sur l’ensemble de son territoire (source : FUB, Baromètre des villes cyclables 2019), chiffre très inférieur à la moyenne nationale.

Depuis la pandémie, le deux-roues urbain marque des points partout en France, Toulon incluse. Les ventes de vélos, notamment électriques, explosent : +28 % en 2021 nationalement (Union Sport & Cycle), avec une croissance marquée en Provence. Les Vélos à assistance électrique (VAE) représentent désormais près d’un vélo sur deux vendu.

• Poussée post-confinement : Le “boom vélo” post-2020 n’a pas épargné Toulon : selon le réseau Décathlon, les ventes locales ont doublé entre 2019 et 2022. Le succès des vélos électriques permet désormais à toutes et tous d’affronter le relief local.
• Un parc cyclable qui s’étend : TPM (Métropole Toulon Provence Méditerranée) affiche aujourd’hui 56 km d’aménagements cyclables recensés en 2023 — soit près du double en trois ans, même si la continuité demeure un point faible (source : TPM, Plan Mobilité 2023).

Pour autant, Toulon ne tutoie pas encore les grandes championnes hexagonales du vélo urbain comme Strasbourg (plus de 600 km aménagés) ou Nantes et Grenoble. Côté usage, seule 3% des déplacements quotidiens se font à vélo dans l’agglomération (contre 8 % à Bordeaux, 16 % à Strasbourg – Source : INSEE, 2022).

Face à ces chiffres et à la pression citoyenne croissante, les pouvoirs publics bougent. Toulon Provence Méditerranée (TPM) a lancé sa « Stratégie vélo » 2021-2026. Les priorités affichées ?

• Créer 230 km d’itinéraires cyclables d’ici 2030 : Un objectif ambitieux (source : dossier TPM juillet 2023), comprenant bandes, pistes, “vélorues” et voies partagées.
• Généraliser le double-sens cyclable dans les rues apaisées du centre.
• Déployer les arceaux vélo : Près de 400 nouveaux points d’attache ont été installés entre 2021 et 2024.
• Vélos en libre-service : Réforme totale du réseau VéliVal en 2023 avec une flotte partiellement électrifiée, 250 vélos et 27 stations à ce jour.

Mais sur le terrain, le décalage avec l’objectif se constate vite : l’implantation est inégale, certains quartiers restent oubliés, la sécurité laisse à désirer. Les collectifs cyclistes (Vélo Utile Toulon, Alternatiba Var…) saluent la dynamique mais rappellent que la discontinuité dissuade la majorité des néo-cyclistes (voir tribune sur France Bleu Provence, mars 2024).

Qu’en disent les principaux concernés ? Malgré les progrès, pratiquer le cyclisme urbain à Toulon reste parfois un parcours d’obstacles digne du Mucem… à vélo.

• Intermodalité difficile : Rares sont les parkings-relais vélo/scooter connectés directement aux lignes de bus ou au port.
• Infrastructures encore trop discontinues : De la gare à la plage du Mourillon, obligation de sortir plusieurs fois de la chaussée, de descendre ou de rouler au milieu d’un trafic dense.
• Sécurité : 52 accidents impliquant des cyclistes enregistrés sur Toulon en 2022, dont 10 graves (source : ONISR).

Pourtant, chaque jour, des étudiants, travailleurs, seniors enfourchent leur vélo. L’effet boule de neige opère : plus il y a de vélos, plus ils sont visibles, plus ils sont respectés. En témoignent les chiffres : le comptage automatique a recensé en 2023 une hausse de +33 % sur les principaux axes depuis 2020 (sources : TPM – Mobilités).

Des témoignages qui racontent le terrain

• Adèle, 29 ans, infirmière : « Le vélo c’est la liberté… sauf quand il faut slalomer entre les voitures devant la fac de droit ! Il y a du progrès mais j’attends surtout des pistes sécurisées. »
• Thierry, 62 ans, retraité : « Le VAE m’a donné des ailes, même sur les pentes du Faron. Je regrette le manque d’abris vélo sécurisés. »

Plusieurs collectifs toulonnais réclament un “réseau express vélo”, s’inspirant des modèles danois, néerlandais… ou grenoblois (source : 60 Millions de Piétons/Alternatiba Var, avril 2024).

• Le vol de vélos : Fléau national, il touche aussi Toulon (300 vols/an déclarés dans le Var — Source : Ministère de l’Intérieur 2022). D’où l’importance des abris sécurisés, qui restent trop rares en centre-ville.
• Le manque d’éducation aux mobilités partagées : Les automobilistes découvrent la cohabitation avec des cyclistes parfois inattendus — et vice versa. Initiatives d’éducation et de sensibilisation prennent forme avec les écoles (Semaine du Vélo, Fête du Vélo).
• L’absence de continuité sur certains axes clés (gare, Mourillon, pont du Las…) est le principal frein cité par les usagers (Baromètre des villes cyclables FUB 2023).

• Bourses aux vélos et ateliers associatifs (Vélo Utile Toulon, Vélorution Var) : Ateliers de réparation participatifs, campagnes d’information sur les aides à l’achat de VAE (jusqu’à 400 € via TPM depuis 2022).
• L’école du vélo : Interventions dans les écoles primaires pour apprendre aux enfants à rouler en sécurité en ville. Une centaine d’enfants formés chaque année depuis 2021 (source : TPM – Scolaire).
• Évènementiel cyclable : Fête du Vélo organisée en juin, “Convergence cycliste” sur la rade, balades nocturnes, opérations de comptage officiel, débats publics (programme 2023 sur www.toulon.fr, rubrique mobilité).

L’aventure commence à peine, mais le cyclisme urbain gagne du terrain à Toulon, tant dans l’espace public que dans l’esprit collectif. Encore minoritaire, il connaît une progression tangible, portée par l’urgence climatique, la flambée du coût de la voiture, et l’envie d’un cadre de vie apaisé.

Le pari de la mobilité douce reste toutefois un défi collectif. Il passera par :

• L’accélération des infrastructures continues et sécurisées
• Une diffusion de la culture vélo dans toutes les générations
• Une vraie priorité à l’intermodalité — nœud crucial dans une ville portuaire

Chaque tricycle, chaque fixie, chaque VAE qui sillonne la rade n’est pas qu’un effet de mode : c’est la preuve qu’une ville peut réinventer ses mobilités, et donc son visage, pas à pas… ou, plutôt, coup de pédale après coup de pédale.

Envie d’essayer ? Le prochain atelier d’initiation au cyclisme urbain se tiendra le 22 juin place de la Liberté : la révolution à vélo se fait aussi en (petits) groupes !

Sources : TPM, INSEE, Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière, FUB, Vélo Utile Toulon, Ministère de la Transition Écologique, France Bleu Provence.